Salle du Trône

Voici en cette heure venir le chant doucereux et délicat des escarpins de velours sans voix. Entendre bruir les volants de soieries était enfin possible tandis que les murs semblaient s’animer d’une sorte de lueur noirâtre et funeste, annonçant l’avènement de leur Reine tant chérie et tant aimée.
Discrète, absente… Dans un élan lascif, les fils d’ébènes tournoyèrent dans le vide avant de rejoindre les hanches étroites jalousement gardées par un corsage des plus sévère. Et lorsque que les boucles cessèrent leur valse vaporeuse, le minois auquel appartenait le corps dodelina sensiblement alors que les iris ardentes se plissaient dans une expression neutre et qui voulait pourtant dire tant de choses.

Les épaules dénudées et les bras dentelés avec soin laissait deviner le plus ardu et précis des travails tandis que la robe, relativement simple mais délicieusement tissée donnait au corps de la Dame du Brasier une élégance d’un raffinement digne de son rang divin.

Un masque de Ténèbres s’était pourtant épanché sur se minois voilé d’obscurité, ne laissant parfois entrevoir que les brèves oscillations de ses lèvres capricieuses… Dessinant de temps à autre un moindre mouvement et par chance un sourire, mais le deuil l’avait enserré dans cette boucle acerbe de noirceur qui saisit le cœur des malheureux pour ne plus jamais le laisser s’ébattre dans la joie.

Qu’elle était loin Coré… L’Enfant était restée à l’ombre des saules, cueillant fleurs et fruits, riante et rêveuses, ne songeant point encore aux choses de l’amour et à ce qui fait qu’une enfant devient une femme. Et à présent elle était devenu ce que l’on avait fait d’elle, sans rechigner, étouffant le candide Angelot sous une pincer d’amertume, une vague de tristesse et un flot de résignation. Mais à ce jour, penser aux malheurs du passé n’avait plus de raison d’être.

Le claquement tendre des pas fut mis en sommeil alors que la Reine approchait des portes magnifiquement sculptées. Entre les éclats de pierres et les estampes en reliefs, on pouvait y décerner quelques appels à la méfiance ou bien même une mélopée de bienvenu dans un monde duquel on ne s’échappe jamais… Ou si rarement…

Ainsi les portes s’ouvrèrent sans qu’un mot d’elle ne pu être prononcé, la laissant entrer dans la salle ou feu son mari était assit. Toisant les tours impérieuses, Perséphone approcha, reconnaissant sur le côté ce petit tabouret napé d’un carmin velours, là où Pandore aimait se poser pour jouer de cette grande harpe d’or juste à ses côtés. L’Epouse du Maître des Enfers finit par en sourire, c’était tant de souvenirs… Quoi qu’il en soit, elle se sépara de cette image pour continuer ses flâneries. Le sol marmoréen s’étendait sans fin pour mener aux grands voiles hyalins qui dissimulaient en partie Hadès et son trône ne laissant deviner que les obscurs contours.

Encore un peu… Quelques pas et la Reine des Enfers montait les marches, les tentures de toile se levant devant elle avec respect sembla t-il, pour retomber derrière elle, comme fermant sa marche. Enfin, elle arriva au pied de ce siège où elle poussa un léger soupire, caressant du bout de ses doigts fins les abords du fauteuil avant de déployer son aura pour, tel le fil d’Ariane, conduire ses disciples vers elle.
Il était temps, et plissant les étoffes en finesse, elle détourna son regard et sa peau veloutée vers l’entre bâillement de la porte d’entrée, attendant qu’on y pénètre tandis que le contours de ses lèvres galbées virent naître un sourire mutin.