Italie, les contreforts de l'Etna

Les cierges éclairaient le visage du chevalier. Leur lueur jaune orangé léchait chaque partie de sa peau. Les yeux fermés, il semblait serein. Il repassait les évènements de sa vie dans son esprit. Sa conscience semblait active pour la première fois depuis des années. Il commençait à réaliser la cause de sa perte.

Il se souvenait la fierté qui s’était emparé de lui lorsqu’il ramena son armure du cœur de l’Etna. Il se souvient la manière dont il avait ignoré les garde lorsqu’il avait traversé les portes du sanctuaire son armure sur le dos. Comme il les méprisait. Comme il méprisait tous ceux qui n’étaient pas comme lui… Oui, se dit-il, c’est là qu’il avait commencé à glisser sur la pente qui devait l’amener à sa perte. Il avait mené à bien ses missions de chevalier. Il se souvient du jour où il devait franchir le pas qui déterminera définitivement sa perte.


Ce jour là, le grand pope l’avait appelé. Après les révérences d’usage, il était resté genou au sol attendant les instructions de celui-ci.


« Dante, tu as mené à bien les missions que je t’avais confiées. Jamais tu n’as hésité à châtier ceux qui le méritaient au nom d’Athéna quelque soit leur rang. Mais aujourd’hui la peste qui nous menace vient du cœur même de nos rangs. Certains chevaliers de bronze se sont rangés autour d’une usurpatrice se faisant passer pour notre déesse. »

« Comment votre Sainteté ? Mais qui peut oser proférer un tel blasphème ? Comment des chevaliers aussi faibles que des chevaliers de bronze osent porter atteinte à notre ordre ? Ces renégats méritent les pires souffrances. »

« Méfie-toi ! Tu n’es pas sans savoir qu’ils ont déjà eu raison de certains de tes frères d’argent. Jamian, Babel, Misty et bien d’autres. »

« Ils ont du user de ruse votre Sainteté. Jamian n’était à proprement parler une lumière. Et les autres m’ont toujours paru peu méritant de leur rang d’argent. »

« Puisse tes actes confirmer tes paroles Dante. Et ne me déçois pas.»

Il se souvient comme avec son frère du cocher ils s’amusaient pendant le voyage vers la mort. Ils pariaient sur le nombre de coups qu’ils devraient porter avant de les envoyer tous en enfer.
C’est là qu’il rencontra Shun. Un chevalier bien étrange. Ce qui l’avait marqué était la faiblesse de ce bronze Saint. Il semblait retenir ses coups. Tout semblait gagné d’avance. Il méprisait la faiblesse de ce renégat. C’est alors que tout chavira…

*C’est impossible* Il aurait voulu prononcer ces mots. Mais il ne pu juste les penser. Après tout avait été noir. Ensuite, il y avait l’enfer et les douleurs indicibles. Qui aurait hésité à saisir la chance laissée par le Dieu noir ? Il pouvait se venger des bronzes Saints.

Le reste défila à une vitesse ahurissante. Il avait été vaincu une fois de plus et son âme aspirée par un vortex. Il s’était réveillé sur une corniche du cratère de l’Etna. Ironie du sort…




C’est dans cette église d’un petit village rustique italien qu’il s’était réfugié. Loin des hommes il lui était plus facile de peser le poids de ses actes. Il pesait également les opportunités que lui laissaient cette Nième vie.


« Les tourments de l’âme sont une torture sournoise que seul le cœur noble peut s’infliger. »

Dante ouvrit les yeux. Sur la banquette en chêne massif dont les jumelles s’alignaient des deux côtés de l’allée centrale de l’édifice religieux, un prêtre âgé était venu s’asseoir à ses côtés. Depuis combien de temps était-il là ? Le chevalier n’en savait rien. Et c’est avec une moue de surprise qu’il accueillit le saint homme.

« Mon père, le cœur qui bat dans ma misérable carcasse est tout sauf noble. C’est une âme rongée longtemps par l’orgueil et la vengeance qui salit ce saint édifice. Juda n’a rien à m’envier et l’enfer dont je reviens est une peine trop douce pour les individus de mon espèce. »

L’homme de foi souri. Le jeune homme lui rendit un sourire timide.

« Mais pourtant, vous êtes là. » Il leva les yeux vers la croix avant de poursuivre. « Dieu peut pardonner. Ce que beaucoup d’hommes ne peuvent faire. Mais il arrive que l’esprit de sainteté touche certains hommes et leur donne le don de miséricorde. »

Les paroles du prêtre raisonnèrent en Dante. Oui, Saorie était une Sainte, une déesse même. Elle pouvait lui pardonner. Mais en serait-il ainsi de ses frères d’arme ? Et surtout de Shun ?
Chacun savait que le bronze Saint avait été élevé au rang quasi divin de par ses actes. Mais il sera dur d’affronter leur regard. Longtemps encore il serait « le traître ».

Comme s’il semblait lire ses pensées, le vieil homme sage lui pris l’épaule gauche avant d’ajouter.

« Un jour tu seras prêt à retourner auprès de ceux à qui tu as fais du mal. Mais ton passé sera toujours un fardeau que tu porteras comme atlas porte le monde. C’est le prix de la paix de ton âme et cette vie. »

Dante resta encore quelques jours dans le bâtiment sacré se nourrissant du repas du prêtre et attendant le moment où son esprit aurait acquis assez de force pour affronter le sanctuaire dans une bataille qui se ferait sans coups. Juste en prouvant sa bravoure et son repentir.